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Chroniques
Guillaume Kosmicki
Musiques savantes – De Ligeti à la fin de la guerre froide (1963-1989)
Convaincu que la musique permet de comprendre le monde – et nous-mêmes, par ricochet –, le musicologue Guillaume Kosmicki (né en 1974) nous fut d’emblée sympathique par son intérêt pour l’histoire des musiques électroniques [lire notre critique de l’ouvrage], puis celle des musiques savantes. Il y a un an sortait un premier tome sous-titré De Debussy au mur de Berlin (1882-1962) [lire notre critique de l’ouvrage]. Comme promis le deuxième tome prolonge avec brio l’analyse de 1963 à 1989, soit De Ligeti à la fin de la guerre froide.
Aujourd'hui encore, l’auteur choisit d’explorer son sujet année par année, en ralentissant l’allure sur celle qui est nettement faste (1964 réunit les noms de Riley, Nono, Jolas, Coltrane et Young). Il fractionne la période auscultée en plusieurs parties introduites par quelques pages d’histoire politico-artistique qui ravivent le contexte social de l’époque. On en comptait cinq dans le premier tome, elles sont deux ici – 1963-1973 : Les sens d’un labyrinthe et 1974-1989 : Le vol des certitudes.
D’une manière générale, alors que les premiers conflits du XXe siècle ont cimenté des interactions internationales, chaque événement trahit la rivalité entre USA et URSS, que soit abattu un étudiant anonyme ou un leader politique. Soutenus par ces géants cyniques, les peuples colonisés revendiquent l’autonomie – donnant lieu, pour le contexte français, aux guerres d’Indochine (1946-1954) et d’Algérie (1954-1962) –, tandis que des dictatures apparaissent sur divers continents – Kosmicki dénombre vingt-huit coups d’État réussis en Afrique, entre 1964 et 1975.
S’affirmant toujours plus face à l’Europe, les Nord-américains cherchent leur inspiration vers le Sahara (Reich, Riley) ou le Gange (Glass, Young), à travers un minimalisme qui combine agitation et philosophie. L’art sonore s’ouvre à l’Autre (étrangers, interprètes, etc.), à la rigueur technologique (Bayle, Chowning, Ferrari, Henry, Parmegiani, Risset) comme à l’improvisation. Pour certains, cela implique de rejeter le sérialisme (Boucourechliev, Dutilleux, Landowski, Ohana, Xenakis) et, plus largement, la tabula rasa ou la chapelle (Berberian, Kagel, Nono, Zappa).
Sans grand risque, nous avions prédit le retour de Berio, Boulez et Ligeti – Sinfonia, Répons, Continuum et Études pour piano sont analysés en quelques pages chacun, selon le principe du livre. Ces maîtres côtoient désormais des confrères tournés vers l’hédonisme (Grisey, Lindberg, Murail) ou la mystique (Górecki, Goubaïdoulina, Harvey, Pärt, Schnittke, Taverner). Alors que Berlin retrouve son intégrité, la notion d’avant-garde est moribonde. Mais d’autres courants apparaissent (saturationniste, extra-occidentaux, etc.), qui feront l’objet d’un troisième et dernier volume. Prenons rendez-vous !
LB